La vie est pleine de tout : la misère, la haine, l'amour, la tendresse, la violence, la poésie, les gens beaucoup de gens, et puis la ville, la grande histoire, les guerres, les familles, ton père, ta mère, et encore l'amour, la mort, l'amitié, le travail, les cris, les rigolades, les chefs qui t’harcèlent, trouver un endroit pour dormir et trouver à manger, trouver un moyen de se réchauffer la nuit et toujours d'autres gens et des sentiments, tous ces sentiments. Et pour raconter l'histoire d'une vie, il faut savoir comment la raconter. Cela ne signifie pas que vous devez utiliser de "jolis mots" (qui me font toujours tomber en depression), ou que vous devez utiliser beaucoup de mots (il faut être précis disait une fois un écrivain), ni que vous devez être pathétiques (le protagoniste meurt sur scène et tout le monde pleure désespéré, non, Antoine, pourquoi toi Antoine, tu étais si beau et sympa et tu nous payais à boire ! - mais bien sûr qu'il faut du pathos parfois). Cela signifie avoir du rythme, réussir à garder l'attention de ton public, de tes lecteurs, de tes amis assis autour de toi pendant que tu racontes une histoire. Cela signifie mettre les mots au bon endroit, savoir ce qu'il faut dire et ce qu'il ne faut pas dire, savoir quand ralentir et quand aller plus vite et peut-être revenir en arrière dans le temps de l'histoire et reprendre à nouveau le fil de la narration. C'est une technique qui s'affine avec des années de travail et avec d'autres mots, beaucoup d'autres mots lues et écoutés et souvent avec la vie elle-même, beaucoup de vie.
Hier, après neuf mois d'attente, de restez chez vous, restez dans votre vie à vous, nous avons pu à nouveau nous rendre au théâtre. Masqué d'accord, mais finalement le théâtre pour oublier ce monde et essayer de nous oublier. Nous avons vu «Partage des vivants» au Théâtre des amis à Carouge, spectacle tiré d'un très très beau texte de Louis Calaferte, que je ne connaissais pas (combien de choses restent encore à lire et à découvrir ?) Et merde je vous le conseille. Ne vous attendez pas une grande scénographie, il n'y a vraiment rien de tout ça. C'est un petit théâtre avec peu de places, où les acteurs se trouvent directement physiquement confronté au public et ils bougent sur une scène minuscule qui ne laisse pas la possibilité de se cacher au regard du public. Mais c'est une heure et vingt minutes de l'histoire d'une vie, que c'est toujours l'histoire de plusieurs vies, racontée à deux voix, sans souffler et qui passent vite et qui te font dire « ah, voilà c’était comme ça d’aller au théâtre ».
Nous nous sommes dits en sortant que c'était difficile d'arriver à tenir l'attention du public pour ce temps où la voix et l’histoire étaient au centre, mais les acteurs arrivent très bien à tenir les spectateurs collé à la narration, arrivent bien à faire sentir et vivre ce texte, beau, douloureux, fort, avec des passages tragicomiques, bien écrit et encore mieux raconté sur scène.
Le protagoniste en racontant de son grand amour parle d'une poésie chaude, si je me souviens bien, deux mots simples. Et peut-être c'est ça de revenir à nouveau au théâtre et à la vie avec les autres, une poésie chaude, quelque chose de simple, beau et fort, mais qui se glisse et descend dans nos poches et quand on sort et on rentre chez nous, dans les murs qui nous tiennent trop longtemps dans cette période, on se retrouve des bribes de ce spectacle et de cette histoire et de cette vie à nous faire compagnie. On pense aux bras de l’aimé, à cette humanité cynique, on pense à l’amour fraternelle, à cette humanité violente, on pense à la délicatesse de la solidarité entre corps et personnes, tous ces gens, on pense à des mots simples, mais qui font du sens.
Finalement, vous avez compris les friends, allez voir ce spectacle✌. L'histoire d'une vie difficile, soyez prêts, mais pleine de tout ce qu'on pourrait trouver dans une vie. Et maintenant aussi notre vie se remplit à nouveau de théâtre et d'autres histoires.
https://lesamismusiquetheatre.ch/calaferte/
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