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Journal du confinement. Jour 5.

Est-ce que tu te souviens de la dernière fois que tu as été heureux ? Cette question me tombe dans l’assiette pendant que j’étais en train d’enfourcher le dernier morceau de cheval au four avec oignions noires cuit dans le vin et les champignons au gruyère du Massif du Mont-Blanc. Ce confinement débloque des pensées de ce type. Est-ce que l’être heureux est un sentiment ou une pensée ? J’ai mangé des profiteroles aux amandes et oignions confies avec du bon liqueur aux œufs pour essayer de mieux comprendre. Puis j’ai sorti d’un placard mes jouets d’enfance. Le « être heureux » est souvent lié au monde enfantin. Il y avait plein de poussière et de cafards. Cafards me renvoie toujours au mot ‘camarades’. C’est la solitude. Je me suis bien amusé à essayer de les rattraper et les mettre dans une bocal bien fermé. Ca m’a pris seulement cinq heures du plus complet défoulement. Puis je les ai regardés. Ils me regardaient. Peut-être je m’attendais des réponses ? J’ai pensé aux gens qui mangent les cafards. Ça sera pour une autre fois. Est-ce que je ne suis pas courageux ? Après une heure de ce silence dense, j’ai décidé que c’était mieux de les libérer, de les livrer à la nature. Je les ai jetés dans le WC et j’ai tiré le flush. Le flush, ce terme est comme la madeleine de Nabokov. Ce terme me rappelle Milena, me fait sentir Milena. Milena et son accent de Prygkzjornik de l’Haute-Savoie soviétique me manquent. Il me semble de l’entendre encore quand moi j’essayai doucement de lui enlever la culotte, me donner un coup de genou sur le menton et me dire avec passion : impuissant, casse-toi. Avec l’accent de Prykjornzky que ça veut dire t’es un homme fort et je te respecte pour ta masculinité dominante et déterminée et j’ai vraiment envie de toi - toute autre chose que la signification littérale d’un interprète au premier degré. Il faut connaître les langues. Quand je suis nu et je regarde mon menton déformé je pense encore à elle et alors je tire le flush. Suis-je trop romantique pour ce monde ? Quand Milena regarde son genou, est-ce qu'elle pense à moi ? J’ai pris le courage et je suis sorti me balader pour respirer de l’air fraiche. La pipi est tombée sur mon parapluie imperméable bien ouvert. Parfois la vie est généreuse. J’ai marché le long de la rivière tout content. Je devrais toujours me contenter de ce que la vie me réserve. Il y a toujours une manière de s’en sortir. J’ai noté sur mon carnet : Si te jettent de la pipi sur la tête, ouvre ton parapluie (Rousseau). Acheter une couronne de fleurs pour les morts pour l’afficher sur ta porte d’entrée (Noel s’approche), de la farine pour la pizza, des ananas exotiques, de la confiture amère comme la vie. Choses à faire : observer le cadavre d’un Président des États-Unis transporté par la courante.


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