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Journal de confinement. Jour 3238.

La vie est toujours la vie et il n’y a rien à faire. Assis devant mon ordinateur je regarde défiler les pages des nouvelles. Une après l’autre. Une après l’autre. Il me semble de les avoir déjà vues encore et encore. Je déprime. Je déprime. C’est tout. Je déprime et en plus je sais que je vais mourir avant ou après. C’est la merde. Milena, oui, elle dont le nom j’essaie d’oublier, Milena elle n’a jamais voulu me croire quand je le disais que je déprime. Elle me disait que je n’étais pas plus déprimant d’une femme qui avait eu la bonne idée de coucher avec moi avec des résultats ridicules ou simplement que j’étais con. Ah, Prizkorniwzik et l’Haute-Savoie soviétique et le typique sens de l’humour de ses habitants. Il faut dire que ça me manque. Est-ce qu’on peut être tristes quand on sait comment prendre la vie par les caleçons et la tirer fort et faire rire tout le monde ? C’est ça probablement qui m’a toujours manqué. Oui, le sens de l’humour. Milena disait aussi le sens du ridicule. Probablement. Mais je veux dire, ce qui m’a toujours manqué c’est la distance. La distance du monde et des choses. Mais surtout la distance de moi-même. Comme te le décrire, cher journal ? Je me sens toujours comme sur un tram bondé de gens. Et moi je suis pris à sandwich entre un type avec un ventre énorme qui me bouscule tout le temps et une femme à l’énorme poitrine vers laquelle l’homme au gros ventre me pousse à chaque mouvement du tram. Et moi que je fais de mon mieux pour résister au bousculement du ventre de l’homme et essayer de ne pas tomber avec mes mains et mon nez et tout moi-même sur la poitrine de la femme à l’énorme poitrine. Car si je tomberais avec tout moi-même sur elle et sur son énorme poitrine, alors elle criera au maniaque et à l’animal et à l’incivile et au salopard et tout le monde sur le tram pointera le doigt vers moi, que je ne pourrais même pas descendre pour m’en tirer au plus vite, vu que l’accès à la sortie sera bloqué par les gens. Et l’homme au grand ventre me pousseras plus fort en m’insultant et la femme à l’énorme poitrine commenceras à me frapper avec son sac à main. Et moi je m’excuserais et je m’excuserais et j’essaierais de m’expliquer tout en esquivant les coups, mais mes mains resterions coincés dans le soutien-gorge de la femme à l’énorme poitrine et dans son manteau et la poussée de l’homme au grand ventre me pousserait de plus en plus sur elle et je n’arriverais pas à me libérer et tout le monde crierait au scandale, fort mais encore plus fort, m’insulterait et la femme à l’énorme poitrine me frapperait encore plus fort et finalement les passagers appelleraient le conducteur. Il arriverait avec son uniforme d’ordonnance. Il arrêterait le tram, il se creuserait un passage entre les passagers, il constaterait ce qu’il y a à constater : moi avec les mains dans la poitrine de la femme à la grande poitrine que je ne la laisse pas. L’homme au grand ventre qui me serrerait encore plus pour crainte que je puisse m’échapper et enfin le conducteur appellerait la police. La police arriverait et moi demi mort je serais arrêté et serais condamné et mon avocat me suggèrerait d’avouer mes propres responsabilités. Et moi que je dirais que je suis innocent et l’avocat qui répondrait, oui, tout le monde est innocent, mais je vous conseille, Monsieur, de vous déclarer coupable, car finalement tout le monde est ou a été coupable ou sera coupable une fois dans sa vie : et vous on le voit tout de suite que vous êtes coupable et maniaque. Et toi tu dirais alors que oui, t’es coupable, que tu ne t’arrives pas à te retenir et tu dois impérativement fouiller dans les soutien-gorge des femmes. Et tu serais condamné. Et tout le monde applaudirait. Et ta vie se passerait entre honte, centres de réadaptations, confessions publiques, avouer sa culpabilité, car tout le monde avant ou après est coupable et toi surtout toi.

Oui, cher journal, il faut que j’arrête de me prendre trop au sérieux, de rêver les yeux grands ouverts et je me détends un peu. Il faut que j’arrête de me sentir coincé. Prendre de la distance. Prendre le large. Et peut-être aussi prendre de la largeur. Faire un gros, énorme mais énorme géant ventre, pour pousser à mon tour, la prochaine fois que je me sens coincé. Est-ce que je devrai changer aussi de pantalons ? Je ne sais pas, un changement de style pourrait m’aider. Qu’est-ce que tu en penses ? Il faut que j’arrête de demander à mon journal qui ne peut pas répondre. Il faut que j’arrête de me demander si ce que je fais c’est juste ou faux. Il faut se moquer de soi-même et jouer avec le monde et la vie. Et surtout il faut que je remplace Milena et ses bêtes mortes dans les boites bien emballés qui continuent à arriver depuis Pritzkowicke avec une fille sympa, gentille et possiblement sans le moustache. Car en surcroît de tout le reste, j’ai la peu sensible. J’ai besoin de tendresse. Et de prendre de la distance, cher journal. Dehors, vers le monde. Un voyage, oui, voilà, un voyage. J’ai noté dans mon carnet : Tu peux voyager longtemps et jamais revenir à toi-même. Mais avant de te mettre en voyage, n’oublier pas d’éteindre la lumière et ne laisser pas les robinets de l’eau ouverts, car autrement c’est la merde avec la régie (J.-P. Sartre). Sortir comme ça, comme je suis, aller dehors, à la rencontre du monde !

[…]

Cher journal, je viens de rentrer. J’étais sorti comme ça, comme j’étais, en pyjama rose fluo, en secondant mon élan d’enthousiasme. Je me suis retrouvé immédiatement dehors, comme si j’avais fait un saut dans le temps. Je me sentais bien. Régénéré. J’ai ouvert grand les bras et j’ai crié : «Oui le monde ! Oui la vie ! Oui la…» Mais je n’ai même pas terminé la phrase qu’un seau plein de pipi glacée m’est tombé sur la tête. Mon voisin avait profité de mon enthousiasme. Je suis resté silencieux et immobile pour un long instant. Qui sait qu’est-ce que j’avais à dire en troisième ? Oui à quoi ? A réfléchir. Le chien du concierge, qui se baladais dehors, a bien pensé de s’approcher de moi et contribuer lui aussi à mon humiliation, mais au moins il m’a réchauffé les pieds. Je suis rentré et je me suis jeté sous la douche pour me laver de tout. De tout ce monde qui me tiens à l’intérieur à coup de pipi glacée.

Acheter : PQ, du poulpe, un adhésif NO PUB No paquets de l’Haute-Savoie soviétique. Choses à faire : Jamais plus croire que tu n’es pas coupable et que la punition arrivera avant ou après. Et surtout fais gaffe au voisin.


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