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Journal de confinement. Jour 1958 (première partie)

Aggiornamento: 8 dic 2020

Je commence à confondre le jour avec la nuit. Et avec ça, je confonde aussi la salle à manger avec le lit. Le baignoire avec le sofa. Le frigo avec la caissette de la poste. Mais qui a dit qu’on ne peut pas manger dans le lit, dormir sur la table à manger, se reposer dans le baignoire, se laver sur le sofa, recevoir les lettres directement dans le frigo et aller chercher la salade et le yaourt directement dans la boite aux lettres ? J’exagère ? Parfois mon esprit de contradiction m’amène loin avec l’imagination. Est-ce que j"arriverai toujours à retrouver la voie du retour ? Est-ce que je suis trop fantaisiste ? Voici un terme que je n’ai jamais compris en français. J’ay ai pensé trois heures avant-hier. Est-ce que je suis trop arrogant ? Puis j’avais faim et j’ai laissé tomber. Trop de questions, toujours trop de questions. Peu importe finalement.

Dans cette confusion, ce qui me dérange est que je dors mal la nuit ou je ne dors rien du tout et puis je passe la journée en faisant des siestes partout et à chaque instant. Un jour je vais me réveiller sur le paillasson. Je me souviens de l’histoire de ces mineurs restés bloqués pendant des jours et des jours dans le ventre d’une montagne et qui n’ayant jamais le soleil faisaient de la confusion entre le jour et la nuit. Moi jamais j’irais me faire enfermer dans une mine avec un groupe d’homme musclés et en sueurs, avec les visages tachés de charbon, avec une énorme quantité de violence à dissiper et même pas une invitation à dîner et des fleurs. C’est simplement, je pense, la solitude. Ou bien c’est que je m’emmerde énormément. Ou c’est la solitude. Oui, c’est la solitude. Est-ce que la solitude a un rapport direct avec des horaires réguliers ? Je n’en sais rien, mais ce que je sais, cher journal, c’est que quand tu n’arrives pas à bien dormir ou tu ne dors rien, toutes les questions de ce monde passent en arrière-plan : il n’y a que le temps qui passe pendant que tu n’arrives pas à dormir. Et il faut faire quelque chose de toute ce temps que à peu à peu s’accompagne de cette énergie autodestructrice que je sens grimper à travers mes veines jusqu’à mon cerveau. Il faut rendre fructueux ce temps : les défaites sont des occasions à saisir, je me suis dit en pensant aux journées passées à guetter la fille que j’aimais bien par le balcon de la voisine et la voir sortir avec Marc Antoine, le fils du concierge connu entre les adolescents du quartier pour son organe sexuel de record, et me retrouver enfin entre les bras de la voisine septuagénaire à la grande expertise, qui m’a appris énormément. Les défaites nous apprennent beaucoup et si c’est le cas on se soulage le bas ventre. Donc je me suis décidé. Pyjama à fleurs et pantoufles silencieuses à la Diabolik, j’ai passé la nuit à mettre du savon de Marseille sur chaque pas de chaque escalier de tous les 12 étages de mon bâtiment. Au quatrième étage j’ai ajouté de l’huile d’olive, pour la vielle dame du quatrième que s’obstine à survivre. En passant j'ai fait pipi devant la porte du voisin, juste pour optimiser la nuit. Je m’attends des surprises pour la journée. Des ambulances, les cris, des vol acrobatiques, des élans d’un étage à l’autre. Je m’attends un peu de mouvement. Et moi je sortirai sur le palier avec mon pyjama bien aimé, ma veste de chambre et mes pantoufles aux pieds, café à la main et l’air de qui vient de se réveiller avec du sincère étonnement et préoccupation en demandant : « Qu’est-ce que c’est passé ? Il y a un problème ? La douce dame du quatrième, par exemple, a peut-être eu un accident ? ». Tout content je me suis remis au lit et j’ai dormi magnifiquement bien jusqu’à midi. Même pas de rêves, même pas les bottes des soviétiques à la porte de mon sommeil.

Je me suis réveillé car quelqu’un a frappé à ma porte. Je me suis levé en disant, voilà, c’est fait. On y est. L’appartement au quatrième c’est à moi désormais. J’ai couru vers la porte tout excité. J’ai pris le temps de me calmer un moment. Et puis j’ai ouvert la porte. Seulement à ce moment je me suis rendu compte que j’étais encore en boxer, pieds et torse nus. C’était l’homme de la poste, Arturo Perez Reverte, que tout en sueur, m’amenait un énorme paquet. Un peu déçu, j’ai lu l’adresse sur la boite. J’ai reconnu la calligraphie de l’Haute-Savoie Soviétique et j’ai commencé à dire que je ne voulais pas retirer le paquet, de le renvoyer en arrière, que l’adresse n’était pas le mien et que moi je ne suis pas qui je suis et j’ai commencé à tourner sur moi-même pour manifester mon sentiment de confusion par rapport au fait de ne me retrouver plus en tant que moi-même. Arturo Perez Reverte m’a regardé longuement. Il a réfléchi. Et il a dit okay, pas de problème. Il est désormais habitué à mes étrangetés et bouffonneries. J’ai fermé la porte. L’anxiété ‘s’est emparée de moi. Je suis allé à faire pipi. Je faisais pipi et je me regardais dans le miroir. J’essayai de voir si le soin de Marc Aurèle, mon prof de yoga, pour faire repousser les cheveux avait fonctionné ou pas. Je ne pense pas que frotter avec insistance une truite morte sur la tête portera à des résultats. Je pense que quand on dit qu’il faut utiliser l’extrait d’huile de poisson ça veut dire autre chose. Je me suis touché la tête encore huileuse. Et c’est à ce moment que j’ai pensé à nouveau au savon sur les escaliers.


Personne ne m’avait rien dit. Je n’avais rien entendu. Je me suis précipité dehors pour aller voir, pour aller inspectionner les escaliers. Peut-être quelqu’un était tombé, mais en régime de confinement personne ce n’était rendu compte. J’étais pressé et en sortant je suis tombé en frappant sur quelque chose. J’ai tourné la tête. Le paquet de l’Haute-Savoie Soviétique était encore là. Arturo Perez Reverte l’avait laissé devant la porte. J’imagine qu’il avait décidé de ne pas le transporter à nouveau. Est-ce que le monde est en train de me dire qu'il s’en fout totalement de ce que je veux et de ce que je ne veux pas, car avant ou après ton destin comme la mort va te trouver ? Je n’en sais rien. En tombant j’ai frappé sur le genou et le menton. Mon cœur a fait un saut et j’ai pensé à elle. Ma chute avait endommagé le paquet. Je pouvais voir maintenant une patte sortir, on aurait dit une patte poilue d’un gros chameau sortir du paquet. Milena, mon passé, l’amour lumineux et désespéré, l’Haute-Savoie Soviétique et l'esprit unique et originel de ses habitants, me tourmentent. (cher journal je termine demain que maintenant le poisson est cuit et le chat du voisin parti pour le week-end est en train de le guetter, okay ?)



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